Wendy : assistante sociale et tiktokeuse engagée

Temps de lecture : 5 minutes

@wendysurtiktok est assistante sociale et partage ses réflexions politiques sur TikTok. Elle y mobilise son expérience professionnelle et personnelle pour lutter contre les discours de droite.
Propos recueillis par Julien Scharpé, chargé de communication aux Jeunes FGTB

Peux-tu nous dire comment tu as commencé à militer en tant qu’assistante sociale ?

Wendy :

J’ai toujours voulu travailler dans le social. Après avoir terminé mes études secondaires, j’ai commencé à étudier à l’ULB. Comme les cours étaient trop abstraits, je me suis finalement inscrite dans une Haute Ecole pour devenir assistante sociale. Ces études me permettaient d’apprendre tout ce qui m’intéressait : la sociologie, le droit et la psychologie.

Après mes trois années d’étude, j’ai commencé à travailler avec un contrat de remplacement dans l’Aide à la Jeunesse. C’était une première expérience de travail très chargée émotionnellement : je voyais des enfants dans la misère sans avoir la possibilité d’agir autant que je le voulais. Les familles sont confrontées à des problèmes structurels comme le logement, pour lesquels je n’avais pas de réponse. Face à cette détresse sociale, les institutions ont tendance à se renvoyer la balle. C’est révoltant parce que la vie d’enfants est en jeu.

Au cours de mes études, on m’a souvent dit qu’être assistant·e social·e c’est être acteur·trice de changement. J’ai trouvé les différentes grèves d’assistant·es sociaux·ales assez symboliques. C’est une réponse à la dévalorisation de notre travail qui permettait de lutter contre la précarisation croissante des Bruxellois·es.

Une grève t’a particulièrement marquée ?

Wendy :

Oui, surtout les grèves dans les services d’Aide et de Protection de la Jeunesse. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à vouloir militer. Mais c’est le résultat des élections qui m’a fait sauter le pas.

Au début, je craignais de parler de politique parce que je ne me sentais pas légitime. Je pensais être trop jeune et pas suffisamment renseignée. Je me mettais moi-même des barrières. Mais en entendant Georges-Louis Bouchez à la télé, je savais qu’il disait des trucs faux. Je ne trouvais pas normal qu’il torde la réalité pour la faire rentrer dans son discours. Du coup j’ai commencé à en parler à mes proches.

C’est à ce moment que t’as commencé à faire des vidéos de vulgarisation sur TikTok ?

Wendy :

Oui. Ça et le contre-coup des résultats des élections.

En ouvrant Tik-Tok, j’ai vu Georges-Louis Bouchez parler des assistant·es sociaux·ales. Si je ne me sentais pas légitime à partager toutes mes opinions, lui, en revanche, se permet de parler de mon métier et de mon expérience. Je ne pouvais pas laisser passer ça.

J’ai fait une vidéo de réaction, genre en trois minutes dans ma salle de bain. J’ai posté sans trop réfléchir au cours de la soirée. Avant, quand je postais une vidéo de mes chats, elle faisait 300 vues. Je pensais qu’elle allait surtout être vue par des ami·es.

En me réveillant, la vidéo avait fait des dizaines de milliers de vues. Mais ce qui m’a le plus étonné, c’est d’avoir reçu énormément de messages de personnes me remerciant. Des ami·es m’ont confié avoir changé d’opinion avec la vidéo. Beaucoup de personnes ont été intéressées pour mieux comprendre la réalité du travail social.

C’était bien évidemment trop tard pour changer le résultat des élections, mais la vidéo a au moins eu un impact. J’espère que plus de monde se montrera critique lorsque la droite tiendra à nouveau des discours caricaturaux.

Tu n’as pas reçu de messages trop violents d’une partie des viewers ?

Wendy : Oui, quand-même. Je suppose qu’on en reçoit lorsqu’on s’exprime politiquement, mais je ne m’attendais pas à en recevoir autant. Cependant je ne le prends pas personnellement. Ça arrive surtout quand je parle du MR ou de religion, où je subis beaucoup d’attaques sexistes.

Ça ne me dérange pas de débattre et de recevoir des critiques lorsqu’elles sont constructives. Le plus important, c’est de déconstruire certains discours. Les réseaux sociaux sont à la fois un endroit où circulent énormément de fakenews et à la fois une caisse de résonance pour déconstruire les préjugés. Il faut que les militant·es investissent ce terrain pour contrebalancer les discours haineux.

As-tu des appréhensions sur les conséquences qu’aura le nouveau gouvernement sur ton travail ?

Wendy : J’ai lu dans la presse que le gouvernement MR/Engagés compte réformer l’accès des places en crèche. Ils ont annoncé que la priorité sera donnée uniquement aux parents qui travaillent pour « ne pas discriminer les enfants ». Mais il s’agit d’une mesure qui discrimine littéralement les familles et les enfants.

Sur le site du MR, ils annoncent vouloir prioriser l’accès aux crèches aux parents qui travaillent et aux personnes qui sont au chômage mais qui prouvent qu’ils sont en recherche d’emploi ou en formation. Mais comment va s’organiser le contrôle ? Comment une mère célibataire pourrait accepter un emploi si elle n’a pas accès à des places en crèche ?

Les crèches sont un premier lieu où les enfants apprennent et se socialisent. Ils veulent priver les enfants de cet espace sous prétexte que leurs parents ne travaillent pas. Finalement, ils privent les enfants de droits fondamentaux comme l’accès à l’éducation.

Plus généralement, la manière de stigmatiser les allocataires sociaux pousse les gens à ne pas recourir à leurs droits. Dans le cadre de mon travail, je suis souvent confrontée à des familles n’osant pas demander les aides qui régleraient une partie des leurs problèmes.

Qu’attends-tu du syndicat comme luttes à mener pour les prochaines années ?

Wendy :

Je pense qu’il faut lutter pour davantage valoriser les travailleur·euses de mon secteur. Ça doit se faire en améliorant les conditions de travail et la reconnaissance de nos métiers. Une assistante sociale de CPAS m’a expliqué que les contrats proposés aux jeunes sont moins bons qu’avant. C’est pareil dans l’associatif, c’est compliqué d’y entrer. Il y a de moins en moins de subsides structurels et certain·es travailleur·euses n’ont pas la garantie de garder leur emploi d’une année à l’autre.

Beaucoup de jeunes abandonnent l’idée de travailler dans le social parce qu’on nous empêche d’effectuer correctement le travail pour lequel on a été formé·es. Le métier d’assistant social est considéré comme en pénurie, mais on nous propose des temps partiels à durée déterminée. Ça doit radicalement changer.

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