La bière 100pap

Temps de lecture : 4 minutes
Propos recueillis par Alessandra Vitulli, chargée de communication aux Jeunes FGTB

Proposer des solutions de logement durables aux sans-papiers en mobilisant les belges autour d’un produit cher à leur cœur ; c’est le projet audacieux de la 100PAP, une bière solidaire née il y a 4 ans au sein de l’ASBL Bruxelles Initiatives. Le projet est porté par une dizaine de bénévoles passionné·es de houblon et assoiffé·es de justice sociale. Nous en avons rencontré un : il s’appelle Laurent et nous raconte l’aventure 100PAP.

« L’histoire est partie d’un groupe d’ami·es qui se retrouvait dans un bar. La conversation a dévié sur les sans-papiers et sur une manière de les aider. C’est en attendant les bières commandées que l’idée leur est venue : “Eh mais on est en Belgique, pourquoi on ne vendrait pas de la bière ?” », nous explique Laurent qui a rejoint le projet un peu plus tard.

Le projet entend soutenir les sans-papiers en actionnant un levier précis : celui du droit fondamental au logement. Laurent nous explique les raisons de ce choix : « On n’est pas les seul·es à les aider ; il y a d’autres associations qui agissent au niveau de l’alimentation ou des démarches administratives par exemple. Leur préoccupation principale, c’est d’avoir des papiers et d’être régularisé·es. Nous, on a considéré que pouvoir vivre dans les meilleures conditions possibles, ça aide aussi dans ces démarches-là. »

En effet, la précarité et le caractère temporaire des solutions de logement généralement accessibles aux sans-papiers rendent compliqué le développement d’un projet de vie. Ces conditions difficiles et incertaines réduisent également les possibilités permettant de s’organiser pour revendiquer ses droits. Les bénéfices générés par les ventes de la 100PAP permettent de lutter contre cette précarité en matière de logement puisqu’ils servent au payement des charges, des assurances et des frais de travaux des logements occupés par plusieurs collectifs de sans-papiers. S’organiser collectivement pour occuper des bâtiments, c’est ce qui permet à de nombreux·ses sans-papiers de mener à bien leur combat politique et juridique. Mais sans ressource financière, la menace d’une expulsion du bâtiment est toujours là.

Et c’est là que la 100PAP intervient : « On vient en aide aux sans-papiers qui ont déjà un logement avec un contrat d’occupation précaire. Ils et elles ont donc légalement le droit de rester dans le bâtiment à condition d’en prendre soin et de payer les charges. Nous, on arrive avec notre projet en leur annonçant qu’on a des moyens financiers pour elles et eux. On prévient les collectifs de l’enveloppe annuelle qu’on a, et puis, on intervient financièrement au fur et à mesure, en fonction des demandes et des besoins de chaque collectif ou de chaque occupation. On ne répartit pas nos bénéfices de manière égale entre les différents collectifs parce qu’il y a plein de facteurs qui entrent en jeu : ils et elles ne sont pas dans les mêmes bâtiments, n’ont pas les mêmes besoins. »

Pour évaluer cela, les bénévoles n’hésitent pas à consulter les sans-papiers directement. Une réunion est organisée avec les représentant·es des collectifs au moins une fois par trimestre, afin de leur exposer l’évolution du projet et les chiffres de vente mais aussi afin de connaître leurs besoins. Ces représentant·es sont elleux-mêmes des sans-papiers qui vivent dans les bâtiments occupés. « C’est un moment privilégié avec elles et eux mais ils et elles peuvent aussi nous faire des demandes à tout moment. On leur rend visite régulièrement. Ça nous permet de constater l’état des bâtiments et de prévoir d’éventuelles réparations », nous explique Laurent.

Récemment, la grève de la faim menée par les sans-papiers du Béguinage, de l’ULB et de la VUB nous a encore démontré que les politiques inhumaines et excluantes à l’égard de ces citoyen·nes perdurent, ne faisant que renforcer leur isolement et les mettre en danger. Pour Laurent, « les sans-papiers sont en train de réaliser des actions choc pour qu’on prenne cette problématique en charge mais la réalité, c’est qu’ils et elles sont dans la merde tout le reste du temps aussi ». A ce titre, la 100PAP reste un projet – malheureusement – plus que nécessaire. Lui souhaiter une « longue vie » relèverait du paradoxe mais on espère, au moins, qu’il rencontrera encore beaucoup de succès dans ses ambitions futures. Et on nous glisse d’ailleurs dans l’oreille qu’un soft 100PAP pourrait prochainement voir le jour. Affaire à suivre, donc…

La 100PAP est une Pale Ale aux touches exotiques et épicées, brassée par la Brasserie de la Senne. Pour t’en procurer, n’hésite pas à te rendre dans un des nombreux points de vente ou à passer commande directement sur le site internet. Tu peux aussi la déguster dans plein de bars et de lieux culturels. Toutes les infos se trouvent sur 100pap.be !

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *