Par Miguel Schelck, animateur Jeunes FGTB Bruxelles
Le 15 octobre 2022, les Jeunes FGTB Bruxelles organisent leur deuxième édition des « Classes de lutte », une journée de formation thématique, critique et participative à destination des jeunes de la région bruxelloise intéressé·es par le syndicalisme. Celle-ci sera consacrée cette année à la lutte contre l’extrême-droite et la place des syndicats dans celle-ci. Et comme pour la première édition, les formateur·ices seront principalement des militant·es qui tirent leur légitimité des luttes auxquelles iels participent.
Cette année encore, cette journée se fera en coopération avec le collectif « Rocking Squat », qui regroupe principalement des familles monoparentales sans-papiers et qui occupent un bâtiment au 121 rue du Trône où nous organiserons les « Classes de lutte ». Les concerts et soirée organisés après le cycle de formation sont ouverts à toutes et tous, les bénéfices réalisés reviendront intégralement au collectif.
Néanmoins, plus qu’une journée de formation et un événement festif, les échanges durant les « Classes de lutte » constituent également l’un des socles des actions syndicales portées par les militant·es des Jeunes FGTB Bruxelles. C’est pourquoi il nous a semblé important de revenir sur la première édition, qui portait sur le syndicalisme d’hier, d’aujourd’hui et de demain.
Le syndicalisme révolutionnaire :
L’année dernière, lors de la conférence du matin, l’historienne Francine Bolle nous a rappelé l’origine du syndicalisme révolutionnaire : de l’exploitation des prolétaires par la bourgeoisie, de l’opposition entre le travail et le capital où, en tant qu’organisations ouvrières, les syndicats se sont donnés pour objectif d’organiser et de défendre les travailleur·euses dans la lutte qui les opposent aux capitalistes en respectant certains principes :
- l’indépendance syndicale à l’égard des partis politiques
- le fédéralisme pour éviter toute forme de corporatisme
- l’action directe – le fait d’individus qui partagent une condition commune et qui agissent par elleux-mêmes dans le but de construire un rapport de force pour changer une situation, sans léguer le pouvoir à un intermédiaire – comme les grèves, le blocage, le sabotage, … en vue de passer à une société sans classe.
Le syndicalisme au 21ème siècle :
La suite de la journée nous a permis d’aborder certaines des thématiques actuelles et futures auxquelles les syndicats doivent s’adapter : l’écologie, les luttes féministes, les luttes internationalistes et la précarisation des jeunes.
Ecologie : la nécessité d’une véritable démocratie sociale
Les ateliers sur l’écologie ont permis de rappeler que les travailleur·euses sont les premier·ères à pouvoir faire pression pour changer les modes de production et réfléchir à l’utilité sociale de ce qu’iels produisent. Mais cela implique une démocratie sociale accrue où les travailleur·euses auraient véritablement les leviers au sein de leur entreprise pour agir en vue d’une production plus écologique. Pour lutter efficacement contre la crise écologique, il faut donc lutter pour plus de démocratie sociale. Cela va de pair avec la formation des syndiqué·es aux enjeux écologiques et à la défense d’une écologie « populaire » et anticapitaliste, qui refuse l’individualisation des responsabilités et le mépris de classe à l’encontre des modes de consommation des travailleur·euses des classes populaires.
Pour les militant·es des Jeunes FGTB Bruxelles, il s’agit aussi de défendre certaines mesures comme la nationalisation de la production, la planification écologique, l’interdiction des privatisations des ressources naturelles et de l’obsolescence programmée, l’augmentation des salaires, …
Féminisme : le travail reproductif, les mobilités et la justice transformatrice
Les différents ateliers portant sur les luttes féministes nous ont rappelé l’importance en tant qu’organisation de défense des travailleur·euses de se mobiliser autour des luttes touchant au travail reproductif, c’est-à-dire au travail de production et de reproduction des êtres humains (mise au monde, éducation, soins psychologiques, affection, travail domestique, …). Majoritairement effectué par les femmes, le travail reproductif constitue la base matérielle de leur exploitation.
Nous avons également abordé les inégalités de genre qui traversent les mobilités. Nous avons vu que les femmes rencontrent des difficultés multiples à se déplacer : leurs déplacements sont plus complexes (les hommes se déplacent surtout dans le cadre professionnel tandis que les femmes dans le cadre du travail reproductif et de leur rôle de mère) et, bien souvent, ce sont les hommes qui disposent de la voiture. Elles sont donc plus nombreuses à utiliser les transports en commun. Or, ceux-ci sont pensés pour les hommes et leurs sont peu accessibles – ce qui est d’autant plus vrai que les femmes sont, majoritairement, plus précarisées que les hommes. Les militant·es présent·es ont donc souligné l’importance d’un point de vue féministe, mais également écologiste, de défendre la gratuité des transports en commun, leur adaptation aux mobilités particulières des femmes (en mettant plus de place pour les poussettes par exemple), mais aussi la nationalisation des auto-écoles pour réduire les prix et permettre aux personnes vivant en périphérie ou à la campagne de se déplacer.
Enfin, nous avons abordé la question de la justice transformatrice[1], qui consiste à régler des différends sans user de la police et du système pénal, en partant des besoins et des envies de la victime. Contrairement à notre système judiciaire basé sur la sanction, il s’agit plutôt de responsabiliser l’auteur en incluant la communauté dans le processus, c’est-à-dire toutes celles et ceux qui gravitent autour des personnes concernées par le différend. Il s’agit aussi de prendre en compte les rapports de domination à l’œuvre dans la société et de les changer. Pour les militant·es, cette forme de justice peut déjà être mise en application dans les écoles par exemple, mais aussi dans la résolution de conflits internationaux ou dans le cadre de différends entre collègues au travail.
Internationalisme : boycott, désinvestissement & sanctions et l’impérialisme turc au Rojava
Le capitalisme étant international, il est urgent que les luttes des travailleur·euses le soient également. C’est pourquoi nous avons abordé la situation de la Palestine et du Rojava, mais également invité une délégation de Solidaires étudiant·es afin d’échanger et de réaffirmer nos liens syndicaux à l’international.
BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) sont donc venus nous présenter leur campagne visant à boycotter l’État d’Israël dans le but de faire pression afin que les droits fondamentaux et le droit international soient respectés. Cette méthode, issue du syndicalisme, permet également aux travailleur·euses d’influencer l’opinion publique. Dans le cadre de cette campagne, le boycott n’est pas seulement économique mais également culturel et académique. BDS a déjà remporté quelques victoires importantes avec par exemple des prises de position de sportifs ou d’artistes israëlien·nes contre l’occupation et la colonisation de la Palestine.
Nous avons également abordé la « guerre de basse intensité[2] » que mène la Turquie au Rojava – État reposant sur l’égalité homme-femmes, l’écologie et la démocratie directe. Les habitant·es du Rojava subissent, suite à la politique impérialiste d’Erdogan, l’attaque de milices, des attaques économiques, informatiques, des assassinats ciblés, des attentats, des expropriations, … dans le silence assourdissant des États occidentaux. Il est donc nécessaire de participer à la solidarité internationale en médiatisant les agissements de la Turquie et en mettant la pression sur nos États afin qu’ils s’y opposent.
Le syndicalisme étudiant :
En plus de la participation de Solidaire étudiant-e-s à notre journée de formation, les militant·es de l’Union syndicale étudiante sont venu·es nous présenter leur revendication pour un salaire étudiant.
Pour elleux, les étudiant·es sont des travailleur·euses en formation qui participent à la création de valeurs économiques, sociales et culturelles à travers les stages, les travaux effectués, leurs engagements politiques, sportifs, artistiques, … Or, en ne prenant pas en compte cela, on nie aux étudiant·es les mêmes droits qu’aux travailleur·euses et on les exclue de la sécurité sociale. Face à la précarisation de la jeunesse, ils défendent donc un salaire pour toustes les jeunes qui suivent une formation quelle quel soit à partir de leur majorité.
Conclusion :
L’année passée, les « Classes de lutte », en plus de rassembler une soixantaine de jeunes militant·es, a permis de mettre en lumière ce qu’est le syndicalisme révolutionnaire et de définir les enjeux de demain pour les Jeunes FGTB Bruxelles. Espérons que la deuxième édition soit au moins aussi enrichissante que la première.
Pour rappel : la deuxième édition des « Classes de lutte » se tiendra le 15 octobre 2022 à partir de 9h au 121 rue du trône. Inscription gratuite mais indispensable, les informations précises sont sur l’événement Facebook
[1] Pour en savoir plus : https://www.cvfe.be/publications/etudes/425-justice-transformatrice-et-violences-de-genre-inventer-de-nouvelles-facons-de-rendre-la-justice
[2] Pour en savoir plus : https://renverse.co/analyses/article/reconnaitre-une-guerre-quand-on-en-voit-une-2744