Industeel : s’unir, lutter, gagner

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Interview de Manuel Terrones Munoz, délégué Industeel, par Marie Schiavon, animatrice des Jeunes FGTB Charleroi

Industeel est une entreprise sidérurgique présente sur trois sites : Charleroi, le Creusot et la Loire. On y produit des tôles variées : en inox, en nickel, en acier noir, etc. Les produits peuvent par exemple servir à la construction des plateformes pétrolières ou encore de cuves à gaz. L’entreprise emploie à peu près 1000 personnes.

Comment as-tu commencé comme délégué ?

Mon papa était déjà délégué à AGC Fleurus. J’ai connu des luttes plus petit, comme les trois mois de grève à AGC. J’y ai été imprégné par le syndicalisme où j’étais toujours présent au piquet.

Et après avoir commencé à travailler, les délégués que j’ai rencontrés dans l’entreprise m’ont donné envie de les suivre. J’ai eu envie de faire du travail syndical pour régler tout ce qui n’allait pas : les inégalités, le travail difficile et la sécurité.

L’équipe syndicale est tout le temps présente et m’a rapidement intégré. J’avais beaucoup d’échanges avec et les camarades m’ont demandé de les rejoindre. Comme j’étais aussi demandeur, j’ai commencé assez tôt comme délégué à 23 ans avec le mandat jeunes.

Il y a récemment eu un conflit au sein de ton entreprise, pourrais-tu nous expliquer ce qui était en jeu ?

Les accords sectoriels avaient deux ans et prenaient fin. Dans la CP.104, dans laquelle nous sommes, ne s’organise pas comme d’autres commissions paritaires où les négociations se font à un niveau plus élevé. Ici tout se négocie en entreprise.

La première proposition que nous avons reçue de l’entreprise était loin de ce que nous estimons correct. L’entreprise avait fait énormément de profits l’année dernière et ceux de cette année seront encore plus élevés. Nous sommes donc rentrés dans un conflit social, et ce n’était pas une simple question d’argent.

Nous souhaitions de meilleurs aménagements de fin de carrière et davantage de jours de récupération pour les plus ancien·es. Nous demandions un accord très social, tout en sachant que la loi de 96 permet aux patrons de ne rien donner de durable comme la marge était de 0%.

La direction a-t-elle essayé de nuire au mouvement syndical ? Comment s’y est-elle prise ?

Nous n’avions pas eu de projet d’accord la première fois. Après quelques réunions avec la direction, nous avons présenté le « non-projet » d’accord en organisant une assemblée syndicale avec l’ensemble des travailleuses et travailleurs.

À l’issue de l’assemblée, on a commencé la grève. Après une semaine, la direction nous a fait une nouvelle proposition qui n’était toujours pas satisfaisante. Il y avait trop de conditions sur l’absentéisme, par exemple un·e travailleur·euse recevait la moitié de son indemnité après être tombé·e malade une deuxième fois, et ne recevait rien la troisième fois. Il y avait aussi des primes conditionnées au chiffre d’affaire de l’entreprise, ce qui ne donne aucune garantie de la recevoir à cause du contexte économique qui pourrait devenir instable.

La direction était revenue vers nous avec une proposition qui n’était toujours pas correcte. Nous avons donc organisé une nouvelle assemblée syndicale où la grève a à nouveau été votée. La direction a donc décidé d’organiser un référendum pour isoler individuellement les travailleur·euses.

Les questions avaient été orientées par la direction pour nous décourager de poursuivre la grève. Il y a par exemple eu la menace qu’aucun accord définitif ne soit signé. Mais ce référendum a été rejeté par 75% des travailleurs et travailleuses et la grève s’est poursuivie.

Nous avons fait un total de 18 jours de grève. Nous avons cette fois-ci obtenu un accord correct où les différentes conditions ont été supprimées. Les montants n’ont pas changé par rapport à l’ancien accord mais nous ne sommes plus sanctionné·es par le fait de tomber malade. Les prépensionné·es bénéficient d’horaires plus stables 6 mois avant la fin de leur préavis. Les travailleur·euses à 56 ans obtiennent un jour de récupération en plus sur l’année, à 58 ans deux jours et ensuite trois. On a su aussi préserver l’emploi où le nombre de personnes en contrat à durée indéterminée n’a plus baissé.

Comment la démocratie syndicale vous a renforcé ?

Déjà, le front commun syndical a été uni et nous a rendu plus forts. Mais le plus important a été la détermination des travailleur·euses de l’entreprise. C’est grâce à leur unité et leur détermination que nous n’avons pas plié face à la direction.

Même s’il y a eu des tentatives pour nous diviser, on y a répondu en communiquant sur les réseaux sociaux et nous avons assuré une présence constante sur le piquet de grève. C’est important de discuter avec tout le monde, par message privé comme devant l’entreprise. Il ne faut pas laisser la direction prendre en main la communication.

Le rapport de force que nous venons de créer va aider lors des futures négociations. Avec des travailleuses et travailleurs qui ont confiance en leur délégation, on peut espérer aller plus loin.

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