Nouveaux gouvernements belges :À quoi les personnes LGBTQIA+ doivent-elles s’attendre ?

Temps de lecture : 4 minutes

Par Benoit Decellier, militante aux Jeunes FGTB

Nouveaux gouvernements belges : À quoi les personnes LGBTQIA+ doivent-elles s’attendre ? 

À la suite des élections de juin 2024, une majorité de droite a rapidement émergé en Wallonie entre le MR (Mouvement Réformateur) et les Engagés (centre droit, anciennement centriste-chrétien). Cette majorité de deux partis très proche idéologiquement a, entre autres, promis une façon différente de faire de la politique avec un « changement de méthode radical » vis-à-vis des anciens gouvernements. 

Cette nouvelle majorité est la même que pour la Fédération Wallonie-Bruxelles (qui s’occupe des compétences communautaires comme l’enseignement ou les matières culturelles) et composera probablement la majorité francophone du prochain gouvernement fédéral. Il ne semble donc pas y avoir d’obstacles institutionnels pour que ce nouveau gouvernement « d’ingénieurs rationnels » puisse mettre en œuvre sa déclaration de politique régionale. 

Cet article se propose d’analyser les déclarations des gouvernements afin de comprendre quelles seront leurs futures positions au sujet de la communauté LGBTQIA+. Le climat politique évolue dangereusement partout dans le monde, où les actes LGBTphobes ainsi que les projets de lois liberticides augmentent conjointement à la montée des forces réactionnaires et d’extrêmes droites. 

Des déclarations qui ne convainquent pas

Les deux textes de gouvernement qui ont été votés en début de législature ont pour but de servir de feuilles de route pour l’exercice du pouvoir en explicitant quelles sont les thématiques que la majorité désire traiter et dans quel sens. En somme, la déclaration de politique régionale (DPR), ainsi que son équivalent pour la FWB, la déclaration de politique communautaire (DPC), balisent l’action du gouvernement au travers des accords existant entre les partenaires de la majorité. Elles ne limitent pas l’action politique du gouvernement au sens strict, mais elles sont censées donner le ton de ce qui va se produire dans les prochaines années. 

Seulement voilà, au moment de la publication de ces deux textes, de nombreux commentateur·ices et observateur·ices (tant dans l’opposition que dans le secteur associatif) ont fait remarquer que les déclarations manquaient de clarté et de propositions concrètes. Les (rares) projets de loi présentés ne sont pas chiffrés, et beaucoup des sujets abordés ne comportent en fait qu’une exposition des principes et valeurs devant guider la future action politique sans mentionner de réel engagement pris par le gouvernement. La thématique des libertés pour la communauté LGBTQIA+ en est un excellent exemple, car elle présente un consensus de principe entre les partis francophones (hormis l’extrême droite).

Pourtant, sur les quelque 184 pages que totalisent ces deux documents, les termes relatifs à la communauté LGBT+ n’apparaissent qu’une quinzaine de fois. Ce qui est plutôt maigre pour des documents censés détailler comment combattre les discriminations qui affectent ces publics. De plus, il est important de préciser que, au lieu d’avoir donné des objectifs clairs au sein des différents projets politiques structurants les déclarations (on pense à des thèmes comme la santé, l’éducation, l’autonomie des personnes …), il est surprenant de voir que tout ce qui a trait à la lutte contre les discriminations a en fait été amalgamé dans un court passage d’à peine deux pages pratiquement copié-collé d’un texte à l’autre !

Cette façon de faire un peu grossière témoigne de deux défauts majeurs : les nouveaux gouvernements n’ont pas pris la peine de différencier la stratégie de la Wallonie et de la Fédération Wallonie Bruxelles, alors que ces deux entités occupent des compétences et des responsabilités très différentes. Ni même d’opérer des distinctions pourtant nécessaires entre les différentes discriminations : en mettant dans le même sac pêle-mêle la lutte contre le racisme, le sexisme, l’homophobie, la transphobie et le validisme, on perd quasiment tout espoir d’arriver à un résultat pertinent, tant les besoins rencontrés par ces différentes minorités sont différents et nécessitent un accompagnement spécifique. Il ne s’agit pas ici d’annoncer qu’il ne peut exister de synergies dans la façon de combattre ces différentes discriminations, mais de dire que plaquer de grandes idées toutes faites sur ces problèmes complexes afin de tout régler d’un coup fait état d’un idéalisme naïf tout droit venu du siècle dernier. 

Si encore nous avions eu des projets concrets et des objectifs clairs, nous  pu tenter d’évaluer la bonne foi des équipes chargées de la rédaction. Mais l’essentiel des propos du texte (ou des textes selon votre tolérance pour le recopiage) se limite à « continuer les efforts déjà entrepris précédemment » et à « solliciter le futur niveau de pouvoir fédéral » (dont on sait qu’il sera beaucoup plus à droite qu’avant au vu des compositions possibles). Finalement les rares propositions inscrites (comme l’égalité devant le don de sang) sont des revendications qui faisaient déjà consensus sous la précédente législature. 

Un seul remède pour faire face : la solidarité

Si l’incertitude des plans du gouvernement et son manque d’implication manifeste pour lutter contre les discriminations peuvent décevoir et décourager, il faut rappeler un principe simple qui structure tant l’action de notre mouvement syndical que ceux des organisations dédiées à la lutte contre les discriminations : ce n’est pas en restant passif que nous obtiendrons des résultats ! Notre meilleure arme contre la violence des dominant.es reste la solidarité des dominé.es. 

Pour exposer les choses de façon plus concrète que dans les déclarations gouvernementales, nous (syndicalistes, travailleurs.euses avec et sans emploi, et personnes faisant face à une ou plusieurs oppressions) devons rester uni·es face à la future politique d’austérité et de division qui s’annonce en formant un front commun le plus large et le plus solide possible. Il est indispensable que le plus de monde possible prenne part aux combats pour l’augmentation des salaires, pour des services publics de qualité ainsi que pour des allocations permettant une vie digne sans limite de temps. Mais cela n’est rendu possible que si nous, syndicalistes, prenons nos responsabilités et soutenons nos affiliés et les personnes les plus précaires de la société dans leurs combats contre les violences dans et en dehors du travail, pour l’accès à la santé et pour l’égalité et la dignité réelles de tout le monde.

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