Déclaration de politique régionale en Wallonie. Trois gros soucis.

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Par Xavier Dupret, économiste hétérodoxe à l’Association Culturelle Joseph Jacquemotte

Les nouvelles politiques publiques promues en Région wallonne suite à la mise en œuvre d’une coalition de centre-droit peuvent, à bon droit, inquiéter les progressistes. Trois domaines semblent, a priori, plus alarmants que d’autres. Ils sont emblématiques d’un virage “Macroniste” en Wallonie.

Commençons  par la réforme des droits de succession, dont la diminution drastique permettra à certains gros patrimoines de pouvoir être transmis en s’acquittant d’un niveau de taxation nettement plus faible que par le passé. Il est difficile de suivre la majorité dans sa justification de cette mesure clairement inégalitaire. Le discours de la nouvelle majorité à Namur met en exergue que les droits de succession rapportent peu aux pouvoirs publics et qu’il serait aisé de les remplacer par une autre recette. Force est de constater de ce point de vue que, jusqu’à présent, l’abandon des droits de succession ne constitue nullement une opération blanche puisque l’opération se solde par un manque à gagner de plus de 300 millions pour le gouvernement wallon.

En outre, un autre élément de langage de l’actuel gouvernement wallon dénonce le caractère prétendument injuste des droits de succession. Ces derniers ne frapperaient que la « classe moyenne » et laissent la possibilité aux grandes fortunes de se délocaliser pour bénéficier de taux plus favorables. L’exemple de la succession d’Albert Frère est abondamment cité. Il se trouve que sa succession avait déjà été organisée plusieurs années avant son décès par l’entremise d’une structure d’évasion fiscale néerlandaise dénommée Stichting Administratiekantoor (STAK). Il s’agit d’une fondation d’un genre tout-à-fait particulier. Les STAK ont été conçues pour racheter les actions de grandes sociétés. En cas de transfert de titres via ce mécanisme, le propriétaire des actions se voit attribuer des certificats de dépôt. C’est ainsi que la propriété légale des titres est transférée à la STAK tandis que, et c’est évidemment là que réside l’intérêt de la combine, l’actionnaire conserve la pleine et entière propriété économique de l’entreprise. Par conséquent, le détenteur des certificats de dépôt de la STAK pourra percevoir tous les dividendes même s’il n’est plus officiellement le propriétaire légal de sa compagnie. Les conséquences en matière de succession sont très claires. Après le décès du détenteur des certificats de dépôt, le droit néerlandais s’appliquera. Or, il s’avère qu’il est plus avantageux que le nôtre. Il est faux d’affirmer que nous ne pouvons rien contre ce genre de structures. Dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent. Il est possible, aujourd’hui, pour le fisc belge, d’assimiler une STAK à une société détenue à l’étranger. Dans ce cas de figure, après le décès du propriétaire de la STAK, c’est le droit du lieu de résidence qui s’impose. Il n’y a donc pas de fatalité à la concurrence fiscale et il n’y avait aucune raison  d’aligner les droits de succession chez nous sur ce qui existe aux Pays-Bas.

Soyons également critiques en ce qui concerne la décision de baisser les droits d’enregistrement au niveau de 3%. On n’hésitera pas à assimiler cette mesure à une forme de dédistribution fiscale par laquelle des catégories supérieures de revenus sont fiscalement gâtées au détriment de catégories plus modestes. Jusqu’à présent, la question de la diminution des droits d’enregistrement était liée à la valeur d’achat du bien, donc au milieu social des acheteurs. En effet, la législation wallonne prévoit un système de réduction à 6% en cas de revenu cadastral (RC) modeste. Pour information, ce dernier constitue la base pour la perception du précompte immobilier et pour la détermination des revenus immobiliers imposables à l’impôt des personnes physiques. Le RC ne renvoie pas à un véritable revenu perçu par les ménages, mais à une forme de revenu fictif correspondant au revenu annuel moyen net que ce même bien procurerait à son propriétaire s’il le mettait en location sur le marché privé. Le RC correspond donc à la valeur locative moyenne nette sur un an du “bien immeuble” estimée à un moment de référence précis. Jusqu’à présent, ce moment de référence est le 1er janvier 1975. Depuis cette époque, aucune actualisation de ce revenu locatif n’a été mise en œuvre.

Si l’on étend la diminution des droits d’enregistrement à toutes les catégories de revenu sans distinction et sans nuance, où le gouvernement va-t-il chercher l’argent ? C’est ici qu’intervient un élément de dédistribution, c’est-à-dire le démantèlement du dispositif des chèques habitat. Ces derniers consistaient en un avantage fiscal revêtant la forme d’un crédit d’impôt. Pour un couple marié, le montant de cette aide était établi séparément sur la base de leurs revenus annuels ainsi que du nombre de leurs enfants à charge. Son octroi était limité aux travailleurs présentant un revenu net annuel imposable de moins de 81.000 € (soit l’ensemble des revenus nets, déductions faites des charges professionnelles et des rentes alimentaires). Le revenu net imposable intègre les rentes et les revenus de capitaux mobiliers (dividendes, bons du trésor, placements…) et ceux de la propriété foncière et immobilière. En procédant de cette façon, le législateur wallon avait ciblé la mesure sur les milieux populaires. En effet, il existe une nette corrélation entre le fait de détenir des revenus élevés et des patrimoines conséquents.

Enfin, mentionnons  un autre élément de dédistribution dans la DPR, à savoir les menaces qui planent  sur les primes à la rénovation. Si la nouvelle politique de la région wallonne devait miser entièrement, à l’avenir, sur le tiers-investisseur et donc l’octroi de crédits, une partie de la classe moyenne inférieure ne pourrait sans doute plus procéder à ces travaux de rénovation qui se révèlent à la fois bénéfiques pour la protection de son pouvoir d’achat que pour l’environnement.

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