Peut-on parler des ultra-riches en Belgique ?

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En février, les Jeunes FGTB de Bruxelles ont commencé à organiser des visites guidées du quartier Prince d’Orange à Uccle. Leur objectif est de permettre aux participant·es de découvrir comment vivent les ultra-riches, comment ils occupent la ville et comment ils ont constitué leur richesse.


Cette initiative a profondément heurté la droite et l’extrême-droite belge. Pour la première fois, Théo Francken a dénoncé ce qu’il considère être de la discrimination et de la stigmatisation. Le bourgmestre d’Uccle, Boris Dilliès, a qualifié la démarche de grotesque. À la suite de ces réactions, un flot d’insultes a inondé la boîte mail des deux animateurs chargés de
l’organisation.


Pourtant le quartier du Prince d’Orange est connu pour ses villas luxueuses et ses résident·es aisé·es. Bernard Arnault pourrait y croiser Didier Reynders lors de son jogging matinal et discuter d’évasion fiscale autour d’un thé l’après-midi. Les environs concentrent une partie des grandes fortunes du pays. C’est en partie pour ça que les Jeunes FGTB de Bruxelles y organisent des visites depuis le mois de février.


Uccle est-elle une commune de riches ?


Selon les autorités politiques locales, la commune d’Uccle n’est pas uniquement peuplée d’ultra-riches. S’il existe effectivement des travailleurs et travailleuses précaires dans la commune, il serait difficile pour elleux d’habiter le quartier Prince d’Orange.


On peut dans un premier temps mesurer le revenu moyen des habitant·es d’Uccle et le comparer à celui d’autres communes pour avoir une première idée de sa sociologie. Pour y parvenir, on peut utiliser le site Statbel, qui est un site gouvernemental mettant à disposition différentes statistiques sur le pays. Celui-ci nous permet notamment de comparer le niveau de revenu par commune.


Le revenu moyen à Uccle était de 22.743€ en 2021. Il était donc deux fois plus élevé que le revenu moyen de Saint-Josse qui s’élevait à 11.082€ pour St Josse.1 Seules les communes de Woluwe-Saint-Pierre et Watermael-Boitsfort se rapprochent du revenu moyen d’Uccle, sans pour autant l’égaler.


Si des travailleur·euses plus modestes vivent effectivement à Uccle, notamment à proximité de Drogenbos, les résident·es du Quartier Prince d’Orange permettent d’augmenter la moyenne des revenus. Pour se rendre compte des écarts de ressource, il est nécessaire de s’intéresser aux prix des maisons.


Combien faut-il gagner pour vivre à Prince d’Orange ?


Selon le site immobilier Immoweb, acheter le prix des logements de l’avenue Prince d’Orange varie de 3229€ à 6520€ au m² pour une maison et 3.826€ à 8.422€ pour un appartement2. Comme il s’agit d’un quartier à faible densité urbaine, il faut ajouter l’obligation d’acheter une surface plus élevée que le reste de Bruxelles. Selon le même site,
une maison standard a une surface de 150m² et un jardin deux à quatre fois plus grand.

Si un couple de travailleur·euses souhaite acheter une maison dans lequartier, il doit débourser environ 484.350€. Admettons que ce couple ait 44.350€ sur son compte épargne et qu’il n’ait que 440.000€ à emprunter. Les deux personnes devraient débourser ensemble 2.662€ chaque mois pour rembourser leur prêt à la banque.3 Soit, un montant supérieur au revenu moyen de la commune. En partant du principe qu’une personne consacre un tiers de son salaire pour son logement, les membres de ce couple devraient gagner au moins 3.993€ par mois chacun.

Si ce calcul semble déjà hors norme, il part pourtant d’une estimation basse. En regardant les différentes offres d’agences immobilières, on constate que les maisons à Prince d’Orange sont beaucoup plus grandes. À titre d’exemple, un loyer pour une maison 4 chambres de 240m² peut être fixé à 4.500€.


À l’aide de ces quelques outils, on peut remarquer qu’il est impossible pour une majorité de la population de vivre dans le Quartier du Prince d’Orange. Si la droite s’est indignée des visites qui y sont organisées, c’est bien pour éviter de soulever une question qui les dérange : comment les riches accumulent du capital et ce qu’ils en font.


Peut-on encore parler des ultra-riches ?


Les ultra-riches vivent en communauté, c’est un fait. On le constate par leur répartition sur le territoire en Belgique. En Wallonie, Lasnes est connue pour abriter ses habitant·es les plus nanti·es. Si Laethem-Saint- Martin est la commune où on retrouve en moyenne les Belges les plus riches, c’est à Knokke-Heist que l’on trouve les prix immobiliers les plus
élevés. D’autres ghettos existent, comme le Clos du Bois à Ixelles qui est littéralement une rue privée. Ils ne sont pourtant jamais accusés de communautarisme.


Tous les reproches que subissent les plus pauvres en Belgique pourraient être attribués aux plus riches. C’est pour cette raison que parler d’elleux suscite autant d’indignation de la part de la droite. Les écarts de richesse sont tellement élevés que leur quiétude est précaire. D’autant plus quand ces fortunes ont été bâties sur le passé colonial et l’exploitation industrielle.


Montrer les conséquences de ces inégalités suscite naturellement de l’indignation. Quand de nombreuses familles vivent dans moins de 50m², une maison de 500m² apparaît comme indécente. C’est pour cette raison que les Jeunes FGTB continueront leur travail d’éducation populaire, indépendamment des réactions virulentes de la droite.

  1. https://statbel.fgov.be/fr/themes/menages/ revenus-fi scaux#panel-12 ↩︎
  2. https://price.immoweb.be/ ↩︎
  3. Calcul basé sur un prêt de 20 ans à un taux de 3% ↩︎

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