Benjamin Vandevandel, détaché pédagogique Jeunes FGTB
Le Pacte pour un enseignement d’Excellence, initié en 2015, avait pour ambition de mettre en place une réforme durable et ce sur de nombreuses années. Il est certes loin d’être parfait, ne met pas tout le monde d’accord…mais au moins les professionnel·les de l’enseignement savaient-iels où iels allaient. Par ailleurs, certaines réformes réclamées de longue date répondaient présentes, notamment le tronc commun pluridisciplinaire jusqu’en 3ème secondaire et la réforme des congés scolaires.
Arrivent en 2024 les ministres Valérie Glatigny1 et Elisabeth Degryse2… retour au grand foutoir ! Suppression de la nomination au profit du CDI, réforme du qualifiant, remise en question de la 3ème commune … autant d’éléments amenés avec la délicatesse d’un trente tonnes et qui ont mené à des actions comme on n’en avait plus vues depuis 1996.
Indispensable nous dit-on : le contexte budgétaire de la FWB est difficile depuis des décennies. Mme Degryse le rappelle encore au journal Le Soir du vendredi 29 août 2025 : 15 milliards de dépenses pour 13,5 milliards de recettes. Il faut « stabiliser et revenir à l’équilibre d’ici 10 ans3. » Anticipant les réactions pour le moins courroucées du secteur, la ministre déclare qu’« On va se donner les moyens pour expliquer, être pédagogues4. » Rien d’étonnant à ce que le monde syndical ait décidé de boycotter certaines rencontres : les solutions gouvernementales ne sont pas mauvaises, les pauvres ignares que nous sommes ne les comprennent simplement pas ! Les enseignant·es sont des poètes ; les réflexions des ingénieur·es leurs sont inaccessibles.
Il y a en effet des éléments qui nous échappent. Par exemple, comment justifier économiquement dans une FWB déficitaire la suppression de la nomination au profit du CDI ? Le gouvernement d’ingénieur·es ne semble pas savoir que les retraites de ces futur·es contractuel·les passeront du giron fédéral… à celui de la FWB. Selon Maxime Fontaine, chercheur en finances publiques, cette réforme coûtera des milliards d’euros par an à la FWB, FWB qui ne peut lever ni taxes ni impôts5. On se demande comment cet élément a pu échapper à un gouvernement qui se veut rigoriste et économe. Peut-être la suppression des statuts tient-elle plus de l’idéologie ? Pouvoir, grâce au CDI, placer qui l’on veut, où l’on veut devant une classe ? La question se pose.
Autre élément qui nous échappe : en quoi le CDI garantit-il un emploi plus stable dans un système scolaire qui dépend du NTTP6 ? Cet acronyme désigne le nombre d’heures dont dispose une école pour organiser ses cours ; il est redéfini annuellement sur base des inscriptions au 15 janvier de l’année précédente. S’il n’y a pas d’heures pour organiser les cours, comment les profs qui les occupaient vont-iels avoir un emploi ? Faut éclairer notre lanterne ! La réforme du qualifiant (3% de son financement en moins) est un exemple éloquent : un communiqué du MR déclare que « les mesures budgétaires concernant le qualifiant affectent les périodes/heures octroyées aux écoles, et non des licenciements d’enseignants7 »… s’il y a moins d’heures, comment conserver les enseignant·es qui occupaient ces heures ? Le CDI ne permet-il pas juste de précariser l’emploi de l’enseignant·e en question sans devoir respecter un statut ? La question se pose.
Terminons par deux sujets qui se rejoignent et sont loin d’être dans l’intérêt des élèves : la suppression de la 7ème année (professionnelle comme technique) et la remise en question de la 3ème année commune. Adrien Rosman explique en détail en quoi la réforme du qualifiant est préjudiciable aux élèves8 ; la remise en question de la 3ème générale commune renforce encore son constat. En effet, supprimer cette année du processus renforcera les départs involontaires vers le qualifiant et le professionnel, à l’opposé de la volonté du tronc commun : redorer l’image de ces filières riches d’options et permettre aux élèves de se diriger volontairement vers ces dernières.
La 3ème commune est d’une importance capitale, comme nous le rappelle encore Marc Romainville9 ce 26 août dernier : « dans un monde qui devient plus complexe, la formation commune que doivent recevoir les jeunes citoyens va prendre un peu plus de temps… Pensez simplement à la nécessité de bien comprendre les implications de l’ère numérique, de comprendre les enjeux du réchauffement climatique… etc. On ne voit pas pourquoi ces compétences devraient être réservées aux élèves qui vont dans l’enseignement général de transition10. » Le gouvernement se moque-t-il de ces considérations ? La question se pose.
Les réformes imposées par les ministres Glatigny et Degryse ne vont pas dans le bon sens. Que ce soit pédagogiquement, économiquement ou humainement. La volonté récente de la ministre Glatigny de monter le seuil de réussite des épreuves communes à 60% achèvera-t-elle de faire de notre enseignement l’un des plus inégalitaires au monde ? C’est en bonne voie… Chapeau les ingénieur·es !
- Ministre de l’Éducation et de l’Enseignement de promotion sociale en FWB ↩︎
- Ministre présidente de la FWB, également en charge du budget et de l’Enseignement supérieur. ↩︎
- https://www.lesoir.be/695805/article/2025-08-29/elisabeth-degryse-je-ne-mattends-pas-ce-que-tout-le-monde-soit-content-mais-il ↩︎
- Idem ↩︎
- https://www.lavenir.net/actu/belgique/politique/2024/11/30/les-chiffres-insoupconne-du-projet-de-reforme-du-statut-des-profs-on-parle-a-terme-de-montants-en-milliards-deuros-YMK7H4O4RVBQJJKZDVVVVNRL4I/ ↩︎
- Nombre Total de Périodes Professeurs ↩︎
- https://www.mr.be/reforme-de-lenseignement-qualifiant-stop-a-la-desinformation/ ↩︎
- Dans le « Camarade » de mars 2025 : https://camarade.be/la-nouvelle-guerre-scolaire/ ↩︎
- Professeur en Sciences de l’éducation, un des pères et penseurs du « Pacte d’excellence » ↩︎
- https://auvio.rtbf.be/media/les-cles-les-cles-3373393?fbclid=IwY2xjawMek0FleHRuA2FlbQIxMABicmlkETBVbzVVc0RMV1VHazA3T25EAR7esWdUTYmnQCh20WykMXNcFg3dZamUl3ujAKZ12hrJcezztIow-QWEs_5qKQ_aem_QlUv1oz_1hXPtswQ8P8ccA ↩︎